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LES DIFFÉRENTS ÉTATS D'UNE CRÉOLISATION EN ART  

 

 

 

 

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TONY CAPELLAN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mar Caribe

2006, version 2009

Tongs avec fil de fer barbelé 

Dimensions variables

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tony Capellan transforme les tongs en autre chose. Elles ne sont plus un objet utilitaire parce qu’elles ont été portées et jetées comme des déchets. Il les recycle en se servant de leur caractère pauvre et délaissé pour dire autre chose. Elles deviennent une oeuvre, quelque chose que l’ont regarde et qui nous donne à réfléchir. Elles deviennent un volume qui nous interroge et nous fait prendre conscience. 

 

Tony Capellan construit des histoires. Il dit beaucoup avec très peu d’éléments, c’est ce qu’on appelle en littérature une litote. Les sandales sont poreuses, vieilles, d’un bleu ou d’un vert délavé; elles sont des témoins de la vie dure des gens pauvres, elles portent l’ histoire des gens de la région de Saint-Domingue. 

 

De nos jours un nombre incalculable d’objets est fait en plastique et ne coûte pas cher. Ici le plastique des sandales agit comme un catalyseur pour révéler cette réalité, car elles sont chargées d’un vécu. À travers sa pièce, l’artiste prend en compte la réalité, il se soucie du sort des pauvres, il parle de la pauvreté des habitants de Saint-Domingue,. 

 

Aussi longtemps qu’il y aura des pauvres, il y aura des tongs.

Par conséquent la forme de l’installation est variable elle ne sera jamais terminée. Elle changera de dimension en fonction de la quantité de sandales que Capellan trouvera et récoltera. C’est une dimension critique supplémentaire qui nous interroge notre conscience quand on voit cette mer figurée par les tongs. 

 

Les sandales sont en plastique, le plastique est fait à partir de pétrole et le pétrole connote le «Pouvoir», un pouvoir qui opprime les pauvres. À travers l’industrie et la puissance des marchés, l’Occident domine avec « ses tongs». Elles deviennent un produit imposé par l’Occident et porté par les pauvres de Saint-Domingue. 

 

Enfin l’oeuvre évoque les esclaves retrouvés morts noyés et encore enchaînés sur les plages de la Caraïbe quand les bateaux négriers “se délestaient” de leur cargaison en ouvrant leurs cales pour ne pas être appréhendés quand la traite des esclaves avaient été abolie.

 

Les sandales deviennent une grosse masse bleue recouverte de fils barbelés. Capellan assemble au sein d’un même espace, un objet venu d’Afrique (Égypte) transformé en passant par l’Asie et l’Occident (plastique recyclé), associé à des fils barbelés, et contrecarre l’image stéréotypée de la Caraïbe. 

 

De loin cette pièce agit comme une métaphore de la mer des Caraïbes, la métaphore de la vision exotique du regard occidental : l’eau bleu turquoise et un paradis sur terre et qui n’est en fait qu’une fausse réalité. En s’approchant des tongs usés et couverts de fils de fer barbelé, c’est davantage l’évocation d’un piège, celui d’être enfermé dans l’histoire de la pauvreté, la vraie vie cachée derrière l’image exotique de la Caraïbe.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

EL ANATSUI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© El Anatsui - Sasa (Manteau), 2004

Aluminium, cuivre

640 x 840 cm

Installation murale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CE QUI FAIT LA CRÉOLISATION : 

 

J’ai observé le travail du plasticien El Anastui, qui m’a intéressé par les matériaux qu’il utilise pour créer ces volumes , sculptures ( Sasa,2004 ) .

En effet El Anastui parvient à sublimer par son travail artistique l’objet prosaïque et pauvre.

Il transforme un matériau solide et rigide en un drapé d’apparence légère et voluptueuse. Les capsules d’aluminium façonnées reliées par un fil de cuivre vont figurer des motifs ressemblants aux riches pagnes traditionnels Akan (Kita ou Kente)

 

El Anatsui transforme l’objet trouvé, pauvre en marière riche. En cela il est un magicien. 

C’est aussi une manière pour El Anatsui de parler des relations complexes entre l’Afrique et les anciens pays colonisateurs et le fais qu’ils importent leurs produits en Afrique en terrain conquit et du fait qu’ils contrôlent et dominent le marché économique.

Alors que El anastui représente par ses productions artistiques ça vision des rapports déséquilibrés entre l’Afrique et ces anciens pays colonisateurs, El anatsui recueille les déchets que l’industrie européenne déverse en Afrique et les recycles en les intégrant à la culture africaine Ashanti ( Akan) puisqu’il en fait des objets modernes directement inspiréS d’objets traditionnels Akan. L’objet créé devient alors un témoin de l’Afrique qui réfléchit à sa modernité et qui est tournée vers l’avenir puisqu’ elle crée un Art traditionnel qui tend vers la modernité.

À ce niveau là, l’Afrique semble être le tremplin de la modernité, par ce qu’elle schématise les hommes, les choses et les objets de manière à conserver l’essence des choses.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La pièce Mars Caribe représente des centaines de tong itilisés, aménagé sur le plancher comme une étendue bleu et verte qui rappelle la surface de la mer des Caraïbes. L’artiste a recueilli ces sandales, qui sont couramment portées en République dominicaine, le long des rives de la rivière Ozama à Saint-Domingue, où elles avaient échoué. Tony Capellan remplace les sangles des sandales par des barbelés. Cette chaussure ordinaire devient un symbole de la misère sociale, écologique et politique, la sous-cotation, le stéréotype de pays des Caraïbes paradis tropicaux isolées. 

 

Tony Capellan : 

Au bord de l’eau, à Saint Domingue, c’est mon espace préféré et tout ce qui arrive par la mer m’inspire. Ce que rapporte la mer aujourd’hui est à l’image de ce qu’elle rapportait. Il y a 500ans sont arrivés des navires qui ont créé une nouvelle culture. Et pourquoi cette même mer n’apporterait-elle pas des choses qui témoigneraient de l’histoire de cette région, de ce qui se passe ici : la présence impérialiste, le pétrole et tous ses dérivés…La majeure partie des objets que je récolte sont en plastique, et le plastique c’est du pétrole transformé. Le plastique est un catalyseur de ce qui se passe dans notre histoire. Tout est fait en plastique. Ces objets en plastique tombent à la mer et sont spécifiques à chaque situation sociale, à chaque pays. Ces produits arrivent sur la plage et moi qui me promène souvent au bord de la mer, j’ai commencé à les ramasser et à construire des histoires.

Avec Mar Caribe, j’ai entrepris ma série d’oeuvres multiples ; ce sont des oeuvres qui vont toujours m’appartenir et que je continuerai à faire tant que la mer m’apportera des objets, tant que les situations sociales qui les soutiennent perdureront. Ma théorie est que le jour où il n’y aura plus de pauvres pour perdre leurs sandales, leurs tongs, ce jour-là, je ne pourrai plus continuer à travailler. Tant qu’il y aura des pauvres qui perdront leurs chaussures, je pourrai continuer mon oeuvre. 

 

Source : « De la récupération à la re-création.pdf »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007 

 

 

« El Anatsui a représenté le Nigeria à la Biennale de Venise en 1990, révélant ainsi un art contemporain africain fait de modernité et de tradition. En effet, El Anatsui a suivi les cours du Collège d’art de l’université des Sciences et des Technologies de Kumasi au Ghana et obtenu un diplôme de sculpture en 1968. Puis, il a complété cette formation classique par l’apprentissage des techniques anciennes de la culture ashanti : céramique, poterie, gravure… Ses premiers travaux sont des signes tracés en creux sur des plateaux en bois utilisés par les femmes au marché. Après un séjour en Cornouailles, en 1985, il découvre des outils performants comme la tronçonneuse. El Anatsui développe alors une série de très grandes sculptures en bois, faites de planches gravées, à demi peintes à la tempera et à demi-brûlées, qui révèlent son goût pour la peinture et la couleur. Il utilise également la poterie avec la série « Pots cassés » (1976-1982), dans laquelle il intègre tessons de verre et autres débris. Cet intérêt pour le recyclage se développe dans les grands tissus faits de capsules de bouteilles aplaties, dont fait partie Sasa. Entièrement réalisée avec des matériaux de rebut soigneusement assemblés avec des fils de cuivre, cette oeuvre monumentale tient à la fois du tissage, du vêtement, de la peinture et de la sculpture. L’emploi de capsules de bouteilles d’alcool importées par les Européens est une façon de parler des relations complexes entre l’Afrique et les pays colonisateurs. Mais l’artiste a su tirer parti de ces matériaux pauvres pour rendre ce tissu, avec ses chatoiements, ses brillances et sa composition picturale, semblable à une tapisserie ou à un manteau de roi.»

 

Selon Marie-Laure Bernadac

 

 

 

 

 

 

CULTURE LOCALE ET RELATIONS INTERNATIONALES

 

Les grandes étoffes kente, dont les oeuvres d’Anatsui s’inspirent, sont effectivement l’apanage des puissants dans la tradition culturelle des tisserands ghanéens. L’artiste, originaire du Ghana a hérité de la connaissance de cette tradition de son frère et de son père qui la pratiquaient en amateurs. Les longues bandes de kente cousues entre elles constituent de grandes pièces aux motifs symboliques, portées par les chefs ou acquises par les touristes dans les centres d’Accra et de Kumasi.

 

Ce faisant, parce qu’il confère au métal dur et aride la souplesse du tissu, Anatsui partage les pouvoirs occultes qui sont reconnus aux forgerons pour leur maîtrise du feu et leur capacité à métamorphoser les éléments.

Éboueur alchimiste, il sait transformer le fer des décharges de Nsukka en or. Mais, le pouvoir de ce «magicien (10)» s’exercerait-il sur un public étranger à l’affût d’une tradition largement reconstruite à son intention ? 

 

En véritable tisserand, Anatsui exhume les déchets pour assembler dans une tapisserie la mémoire du quotidien et celle de la culture avec l’histoire contemporaine de l’Afrique et son passé colonial. Les bouchons de liqueurs par exemple évoquent à la fois les moeurs (la consommation des liqueurs elles-mêmes), l’histoire (certaines marques de liqueurs produites dans des distilleries locales telles que «Ecomog», empruntent leur nom à des événements politiques) (11), et l’histoire des relations internationales. En effet, les boissons alcoolisées ont été introduites en Afrique par des Européens au moment des premiers échanges commerciaux. Suivant une logique similaire de causalité, les produits importés, comme les conserves de lait venues massivement d’Europe et des États-Unis, ont pu participer à la prolifération des décharges en fournissant des emballages que le pays n’avait pas les capacités technologiques de traiter et de recycler (Peak Project, 1999).

 

Source : Dossier | El Anatsui / des poubelles de Nsukka aux musées internationaux | esse arts + opinions 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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