
TRANSFORMATION
SAMUEL FOSSO ET KIMIKO YOSHIDA







Le processus de transformation est une des composantes de la créolisation. J’ai choisi, pour mettre en évidence ce processus de creolisation le travail de deux artistes pour qui ce processus de transformation est l’essence même du travail.
Kimiko Yoshida et Samuel Fosso sont deux artistes qui se travestissent en adoptant les attributs d'autres personnalités. Ils illustrent différemment l’un et l’autre ce processus en nous montrant le rôle qu'a la creolisation dans leur travail.
Kimiko Yoshida
Combien suis-je?
Intérieur / Noir, rouge, blanc, jaune. Toujours la même, jamais à l’identique, une femme au visage orné, transformé, transfiguré sur papier glacé. Kimiko Yoshida est une photographe plasticienne aux mille facettes, alien métallique, aztèque flamboyante, déesse écarlate ou geisha laiteuse. «La transformation m’apparaît comme la valeur ultime de l’art»*, dit-elle. Son oeuvre, majestueuse et fascinante, véritable périple à travers les cultures, les ethnies, les époques, consiste en une multitude d’autoportraits monochromes, en une métamorphose hypnotique qui dit la complexité identitaire.
«Mes photographies se présentent comme une tentative (inachevée) vers la couleur monochrome: je vois dans le monochrome, dont il est si peu aisé d’énumérer les nuances, une figure de l’infini, une puissance hors du temps où s’altère infiniment le semblant de l’identité, du genre, de l’appartenance… (…) C’est par cette aspiration à la monochromie, par cette visée vers l’infini (…) que chaque autoportrait s’impose à la fois comme une émergence et un effacement».
Sur la photographie alors, l’identité, les contours de la figure singulière de l’artiste s’évanouissent dans la monochromie pour dévoiler un universel.
L’exposition personnelle intitulée « Peintures » a été présentée en septembre-octobre 2010 à la Maison Européenne de la Photographie puis poursuivie à Art-Paris (Galerie Albert Benamou) au Grand-Palais en 2011.
Selon Clémence Le Brun ( source : http://www.boumbang.com/kimiko-yoshida/ )
L’acte de transformation de Kimiko Yoshia en une autre Kimiko d'ethnie et de culture différente est au cœur de son œuvre. Après avoir été créatrice de mode à Tokyo, elle est venue en France en 1995 et a intégré, à l’âge de 33 ans, l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles. Trois ans plus tard, elle a rejoint le Studio national des Arts contemporains du Fresnoy.
Son travail est très décoratif, très esthétique ; il a pour sujet le beau, la belle image, le maquillage et l'esthétique, ainsi que la mode. Ces photographies sont très léchées. C’est un parti-pris affirmé.
La créolisation dans l'art de Kimiko Yoshida réside dans le fait que ses autoportraits réunissent des éléments culturels qui n'ont aucun lien avec sa culture d’origine et son identité japonaise. C’est par le déguisement qu’elle procède ; elle essaie d'intégrer à son être et à son apparence des éléments symboliques des cultures du monde afin de devenir une autre à l'infini.
Elle cherche à être une autre et ainsi changer d’identité, mais elle y parvient partiellement selon moi puisqu' elle ne se transforme pas complètement car les traits son visage reste toujours le même.
En changeant de couleur son visage se fond de temps en temps avec la teinte du papier qu'elle a elle-même choisi pour ses photographies. Il y a certes un effacement de soi quand elle se fond avec le papier peint mais la métamorphose n'est pas tout à fait accomplie car elle se contente de changer de décor et d'accessoire. Au final c’est toujours son visage que nous reconnaissons. Elle se déguise mais pas complètement. Elle se contente de s’approprier des signes extérieurs et des accessoires pour apparaître toujours renouvelée.
Kimiko Yoshida, guerrière ardente et plurielle, lutte contre les clichés contemporains de la séduction et la servitude des femmes. Cette éclatante amazone, résistante à la soumission, aux appartenances, aux stéréotypies du genre et aux déterminismes de l’hérédité, nous emporte dans le manège effervescent des expressions de soi.
« Mon art ne porte pas sur l’identité, mais sur l’identification. La question n’est pas " Qui suis-je? " mais plutôt: Combien suis-je?»*.
Selon Kimiko Yoshida ( source : http://www.boumbang.com/kimiko-yoshida/ )
Malgré cette citation, pour moi Kimiko Yoshida dans cette série de photos n'a pas su dépasser les clichés identitaires et culturels de la séduction et de la servitude féminines. Au contraire, elle est au cœur de cette problématique.
Elle incarne à travers ses photos des stéréotypes. Par exemple, celui du « Native American », l’Amérindien. Elle reprend l'image stéréotypée des premiers habitants de l'Amérique du Nord et de leur culture en adoptant la coiffe de plume et la peinture corporelle. Mais en faisant cela elle reste dans la généralité.
De plus, elle se maquille les lèvres de rouge, or, rose, orange, doré et les paupières de bleu, or, blanc, de strass et de couleurs vives reprenant le cliché de la femme qui doit se maquiller et se faire belle pour plaire. Elle ne sort pas du cliché de la femme séductrice qui utilise des accessoires exotiques pour plaire.
Elle n'apparaît ni forte, ni ardente, ni victorieuse à travers ses métamorphoses et ses transformations, elle ne cherche pas à devenir un personnage avec un caractère propre, son visage reste sans expression. Elle n'a plus d'identité propre et on dirait qu'elle n'existe plus, ni comme Kimiko Yoshida, ni comme quelqu’un d’autre ; elle se contente d’être une image idéale.
Contrairement à cette artiste qui ne va pas jusqu’à opérer une transformation complète d’elle-même, Samuel Fosso, quant à lui opère une transformation plus abouti de lui-même. Il a une présence plus forte parce qu’il ne se contente pas de généralités et de signes extérieurs de cultures, il cherche à travers la personne en qui il se métamorphose le caractère qui la rend unique et qui le change lui-même, en ce sens il pousse beaucoup plus loin le processus de transformation.
Samuel Fosso
Samuel Fosso, né à Kumba, près de la frontière nigérienne, en 1962, est un photographe camerounais.
Il vit d'abord au Nigeria avec ses parents.
Il travaille dans le magasin de son oncle maternel qui est cordonnier puis devient en 1975 apprenti chez un photographe. Il ouvre un premier studio à l'âge de treize ans.
Ce « Studio National » deviendra « Studio Confiance » puis « Studio Convenance ». La devise est "Avec Studio National, vous serez beau, chic, délicat et facile à reconnaître". Il crée un second studio à Miskine (quartier de Bangui).
« Comme dans toutes mes oeuvres, je suis à la fois le personnage et le metteur en scène. Je ne me mets pas moi-même dans les photographies : mon travail est basé sur des situations spécifiques et des personnages avec qui je suis familier, des choses que je désire, que j ’élabore dans mon imagination et, qu’ensuite j’interprète. » «Je porte la vie des autres, ce n’est pas du déguisement, c’est l’histoire du malheur et de la souffrance. J’ai voulu commémorer ceux qui ont lutté pour les droits des Noirs, ceux qui ont eu le courage d’affronter l’avenir. Je l’ai fait pour que leur image ne soit pas oubliée, et qu’ils entrent dans l’histoire visuelle de l’Afrique à travers ma propre image.» - Samuel Fosso.
Samuel Fosso excelle dans la maîtrise de la métamorphose de manière décalée ( ce serait bien que tu dises en quoi c’est décalé) avec une esthétique très étudiée. Il se met en scène en dévoilant les codes du théâtre pour donner à voir des créations très investies qui font de lui un artiste à part dans la production africaine contemporaine.
Le travail photographique de Samuel Fosso me paraît plus profond et plus convaincant que celui de Kimiko Yoshida car, à travers ses photographies, il laisse entrevoir un autre personnage qui n’est pas lui, qui s’ajoute à lui.
Son jeu théâtral et le recours à la mise en scène nous permettent de nous prêter aux jeux de rôles qu’il scénarise et d’y croire.
Il se prend vraiment au jeu physiquement et mentalement. Il intègre la personnalité des personnages qu’il incarne. Ceux-ci le transforment réellement même si les traits du visage du photographe restent identiques.
On est mis en présence d’un nouveau personnage incarné par Samuel Fosso qui est et qui n’est pas Samuel Fosso.
Nous voyons « Angela Davis ».
La transformation est si puissante que Samuel Fosso arrive à nous convaincre.
« … Comme dans toutes mes œuvres, je suis à la fois le personnage et le metteur en scène. Je ne me mets pas moi-même dans les photographies: mon travail est basé sur des situations spécifiques et des personnages avec qui je suis familier, des choses que je désire, que j ‘élabore dans mon imagination et, qu’ensuite j’interprète. J’emprunte une identité. Pour y réussir, je me plonge dans l’état physique et mental nécessaire.
C’est une façon d ‘échapper à moi même. Un passage solitaire. Je suis un homme solitaire. Samuel Fosso, in “Samuel Fosso”
Il a choisi d'incarner des personnalités importantes, des icônes qui ont joué un grand rôle dans l'histoire des Indépendances aricaines et du Mouvement des Droits Civiques américains comme Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, Muhamad Ali, Miles Davis, N’Krumah, Seydou Keita, Patrice Lumumba, Angela Davis, M.L. King, Hailé Sélassié, Malcolm X, Nelson Mandela, et Tommie Smith. Il se modèle sur eux en leur empruntant leurs caractères, il les imite, s’appuie sur ces références et opère une réelle transformation dans la représentation.
Il utilise son corps et son visage pour raconter leur histoire. Il disparaît, mais pas tout à fait, pour actualiser ces icônes.
Il se travestit littéralement en Angela Davis, la militante du Mouvement des droits civiques aux États-Unis, membre des Black Panthers, celle qui a lutté pour les droits des Afros-Américains. Il devient Patrice Lumumba, qui a œuvré pour l'indépendance du Congo belge, Aimé Césaire poète français et martiniquais, concepteur du mouvement littéraire de la négritude, Léopold Sédar Senghor président du sénégal.
"Grâce à eux, je ne suis plus un sous-homme. Je suis libre ! Même si mes droits ne sont pas aussi bien respectés que ceux des Blancs, je me sens libéré de mes chaînes " - Hôlzl Ingrid, " Self-portrait/Self-Vision : The Work of Samuel Fosso", Nka / Journal of Contemporary Africa Art
n° 24, 2009, pp.40-47 .
"Depuis mon enfance, je tenais à raconter l’histoire noire. Avec cette série, je laisse dans l’histoire une image éternelle de ce qu’a toujours été mon combat. Ces hommes et ces femmes resteront immortels en entrant au musée. Ils méritent d’être sacralisés."
Selon Samuel Fosso ( source : http://www.afriscope.fr/African-Spirits-Fosso-rend-hommage )
Par le mimétisme et la qualité de la représentation physique qu’il met en œuvre, il révèle la personnalité et l'aura des personnes qu’il choisit de figurer et questionne l'identité noire, féminine ou masculine. Samuel Fosso traite ainsi de l’héritage iconographique, de l’identité collective et du statut des Noirs.
Par son travail photographique, il les fait entrer dans les musées et dans l'histoire de l'Art pour que leur mémoire soit conservée et partagée et qu’elle soit perpétuée par les générations futures.
Pour moi Samuel Fosso est exemplaire, il fait un travail qui me guide car ces icônes Noiresr méritent vraiment d'être immortalisées, elles méritent qu'on les fête, qu'on célèbre leur esprit, leur génie, leurs initiatives, leurs réussites. C’est en regardant son travail que j’ai décidé moi aussi d’affirmer que je suis une femme de couleur, que je me sens solidaire et pour remercier ces esprits et ces personnalités d’avoir existé et d'avoir combattu si ardemment pour nos droits et notre liberté. Car grâce à eux "Je ne suis plus considérée comme une sous-femme", comme le pense Samuel Fosso dans ça citation relevé plus haut.
Ces personnes, ce sont mes Pères et mes Mères, je leurs dois tout, je leur dois mon respect, je dois et je leur dois de les fêter et de les célébrer, ce que je fais dans "ELLES, ILS, célébration".
(décrire cette œuvre de moi si je veux qu’on comprenne de quoi je parles).
(Décrire ou mettre une photo)